Tourisme et écoresponsabilité: mode d’emploi

L’organisation mondiale du tourisme enregistrait en 2019, avant la crise sanitaire et le lockdown mondial, 1,5 milliard de touristes. Le tourisme impacte la planète puisqu’il est responsable de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et que 20% de la population mondiale voyage au moins une fois dans l’année. Le tourisme de masse constitue aujourd’hui la part la plus importante du secteur, devenant rapidement la bête noire des habitants de sites touristiques prisés comme Venise ou Phuket et provoquant pollution et destruction de la biodiversité. Tourisme et écoresponsabilité sont-ils compatibles ? Quelles sont les solutions pour continuer à voyager et découvrir la beauté de la nature tout en préservant la planète ? 

Comme on le sait, le tourisme engendre des déplacements, des transports, des découvertes de sites protégés, des crèmes solaires. Mis bout à bout, ces éléments sont nuisibles pour la planète. L’éco-responsabilité s’applique donc au quotidien et même pendant les vacances. L’avantage avec internet, c’est qu’il est nettement plus facile aujourd’hui de concevoir des vacances éco-responsables en choisissant une mobilité douce, des hébergements adaptés et une consommation sobre.

Voyager bas carbone, c’est possible ! 

Une tonne de CO2 par passager pour un Paris-New-York, le transport aérien est loin d’être écologique. Le collectif « Pour un Réveil Écologique » met en avant une donnée essentielle dans sa publication : les voyageurs sont responsables de 50% des émissions de gaz à effet de serre du secteur. Il est urgent de repenser notre mode de consommation des voyages.

Cela dit, bonne nouvelle concernant le secteur aéronautique : un A380, le plus gros avion civil du monde, a décollé de l’aéroport de Toulouse sans kérosène. L’avion n’a consommé durant ce vol de 3h que du carburant durable, du “SAF” (sustainable aviation fuel), issus de déchets gras tels que les huiles de cuisson usagées. Néanmoins, plutôt que d’attendre une réinvention totale du secteur aérien, il est possible de voyager en produisant moins de carbone que la moyenne.
Pour ce faire, il faut accepter de voyager moins loin et de prendre son temps. Privilégier les transports collectifs, les bus consommant des hydrocarbures naturels mais aussi et surtout le train. Selon le nouveau rapport du Shift Project sur la mobilité longue distance, les Français usent de moyens de locomotion carbonés à 90%. Pourtant, lorsqu’il faut voyager “intramuros”, rien de mieux que le train. Ça tombe bien, les lignes de TGV se sont multipliées entre la France et les pays frontaliers (Suisse, Belgique, Espagne) et sur le territoire. 2800 kilomètres de lignes à grande vitesse sillonnent actuellement l’Hexagone. 

Certaines familles, notamment dans les pays nordiques, ont déjà mis en place des stratégies bas carbone pour voyager (vélo et train). Pour inciter les touristes à accepter de prendre leur temps quand il s’agit de voyager, il faut trouver des alternatives qui les attirent. Encore faut-il qu’elles existent. 

L’écotourisme et la résilience de la montagne

L’écotourisme naît dans les années 1970/1980. Originellement, il visait à protéger les espaces en utilisant les revenus du tourisme local. Forme très proche du tourisme vert, c’est un tourisme durable. Proche de ce que décrit Gérard de Nerval, l’écotourisme est une invitation au voyage responsable contribuant à la protection de l’environnement et de la biodiversité. C’est l’action d’admirer sans abîmer, en ayant conscience de l’impact individuel sur un environnement temporaire. L’écotourisme participe aux économies locales et au développement du territoire. Il est en symbiose avec le respect de la flore et de la faune locales. L’homme perd sa place centrale, bien que sa culture, ses traditions et ses valeurs soient aussi respectées : le tourisme éco responsable est également une prise en compte du patrimoine culturel et naturel. La plupart des organisateurs de visites écotouristiques limiteront les activités (souvent sportives d’ailleurs : canyoning, snorkeling, trek, vélo …) à 12 personnes. Tout le monde prend son temps et profite des espaces, en pleine conscience de soi, des autres et de la nature qui l’entoure. De plus, les déchets sont correctement traités, les populations locales se sentent moins « envahies », les voyageurs en ressortent ressourcés et apaisés. Prêts, parfois, à amorcer un changement dans leur vie quotidienne. 

Faire prendre conscience aux visiteurs de la dégradation qu’ils infligent aux lieux qu’ils visitent, c’est également la volonté de Valérie Paumier et de son association Résilience Montagne. Elle interpelle les élus locaux et les place face à leurs propres contradictions. “Les élus scient la branche sur laquelle ils sont assis. Pourquoi investir des millions d’euros dans la construction d’hébergements destinés aux sports d’hiver quand on connaît les conséquences du réchauffement climatique sur la montagne ?” Bien qu’ils soient légitimes dans leurs fonctions, ils sont souvent trop peu informés. Projeter de la neige artificielle par 20°C ou chauffer des ensembles immobiliers qui sont à 50% vides, même en pleine saison hivernale, c’est se diriger tout droit vers la catastrophe.
Elle suggère un tourisme de montagne alternatif, plutôt axé sur la saison d’été, puisque seulement 7% des français sont des skieurs. Le rééquilibrage se fait par une sensibilisation et une mobilisation du public et par la création des écoles de la nature. Ainsi,  les enfants sont en mesure de comprendre leur rôle dans la préservation de la biodiversité terrestre. 

Les Écomusées et leur pédagogie dédiée à la Nature

Parallèlement au tourisme éco-responsable, on pourra citer un type de musée se développant constamment depuis de nombreuses années. On les appelle les écomusées. Apparus en même temps que l’écotourisme dans les années 1970/1980, ils ont pour objectif de rappeler à l’homme son lien avec la Nature et les interactions qui en découlent. Les écomusées sont des espaces publics réunissant des personnes motivées par la sauvegarde des patrimoines culturel, matériel, immatériel et surtout naturel. Celles-ci travaillent ensemble à l’élaboration de projets communs pour le territoire et ses habitants. Les écomusées sont généralement des espaces ouverts en permanence questionnant l’évolution de plus en plus rapide et incontrôlable de la société. Leur développement se fait en lien avec une médiation importante pour sensibiliser les visiteurs à la protection des espaces qui les entourent. Ceux-ci sont invités à repenser intégralement leur mode de consommation de la culture et de leurs destinations touristiques. 

Des hôtes et leurs clients qui font le pari de l’écologie

Séjourner dans des hôtels écologiques et respectueux de l’environnement, c’est le pari que fait Ethik’Hotels. Il s’agit d’une plateforme qui réunit un ensemble d’hôteliers et d’agences de voyage ayant choisi la formule de l’hébergement éco-responsable. On parle de circuit court, sans intermédiaire et sans frais cachés. Ils mettent en avant une valeur importante : celle de la responsabilité de l’Homme vis-à-vis de son environnement. Et pour cela, ils privilégient le contact humain direct et chaleureux entre hôte et client. Celui-ci est appelé un « Explor’Acteur », rejoignant une communauté de voyageurs engagés dont les objectifs communs sont la découverte et la préservation de la planète. Explorer, oui, mais sans abîmer ! Voilà ce que prône Ethik’Hotels : le tourisme de demain. 

Anne Chéné, sa fondatrice parle de transformation collaborative et à petite échelle mais qui, au long cours, fera toute la différence : “Je n’apporte peut-être pas une pierre [à l’édifice], mais rien qu’avec une poussière, ajoutée à toutes celles d‘autres acteurs engagés vers un mode de vie plus durable, nous parviendrons peut-être à faire une montagne. “ 

Pour éviter le piège du greenwashing, elle aide également les voyageurs à s’y retrouver parmi les sigles, labels et pictogrammes. Si l’hôtel est référencé chez Ethik’Hotels, sa démarche sera vertueuse et responsable, les touristes peuvent y aller les yeux fermés. Nous lui souhaitons de convaincre le plus grand nombre d’éco-touristes. 

La démarche responsable peut être trouvée à tous les niveaux du voyage : du mode de transport à celui de séjour en passant par les activités liées aux destinations choisies. Il est temps de prendre la décision de changer de mode de vie. Et en France, cela devient rapidement possible. L’éveil écologique de certains favorise le développement d’un écosystème sain et vertueux. Le tourisme durable ne présente encore qu’une minorité des pratiques, puisqu’il s’agit de seulement 5% des voyageurs. Cependant, on est en droit d’espérer que ce modèle prenne de l’ampleur et devienne la norme quand on observe la crise des hydrocarbures qui se profile à l’horizon. 

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