Se former aux enjeux de la transition écologique: un enjeu de démocratie

La question de la formation sur les sujets de la transition écologique et sociétale, est sans nul doute l’une des clés de réussite de la transition écologique, qu’il s’agisse de formation initiale ou continue. Plus nous serons formés et conscients des enjeux climatiques, plus nous serons en mesure de faire des choix éclairés et d’agir dans nos vies personnelles et professionnelles.

Plus que jamais l’urgence écologique et climatique est une réalité de notre quotidien, mais avant tout une réalité scientifique pour faire écho aux récents rapports et aux prévisions d’un réchauffement jusqu’à 4 °C entrainant l’effondrement du vivant. C’est pourquoi se former pour comprendre les enjeux et aller vers un changement radical des modes de productions et de consommations est une urgence dont les scientifiques et les diplômés des grandes écoles se font l’écho aujourd’hui. C’est aussi un enjeu de démocratie qui doit bénéficier à tous, sans exception.

Comme le rappelle le climatologue et Prix Nobel Jean Jouzel dans son dernier récent rapport , il est urgent et essentiel de sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur et cela tout au long de la vie et de la carrière. Intégrer ces formations dans une démarche pérenne nécessite par ailleurs une coordination interministérielle forte, une mutualisation des moyens et objectifs et un comité informel des administrations pour intégrer la transition écologique dans les formations supérieures. De nombreuses initiatives émergent partout en France, émanant des chercheurs, des professeurs, mais aussi des mobilisations étudiantes ou de la société civile. La semaine dernière, le monde de la formation continue à l’université à l’occasion de son 47è colloque réclame, par la voie de Mathias Bernard, président du Comité Transition écologique et sociétale de France Universités, des moyens financiers, juridiques et humains pour développer une formation continue universitaire en rapport avec la place que doivent jouer les universités dans l’accompagnement et l’anticipation des transitions. En parallèle les fraîchement diplômés de Polytechnique, conscients qu’il n’y aura pas de solution miracle et que la technologie ne suffira pas à sauver l’humanité, en appelle à un changement radical vers la « sobriété ».

Du côté des scientifiques, un collectif de chercheurs interdisciplinaires se sont mobilisés de façon inédite, sur une initiative de l’ex député Matthieu Orphelin et du climatologue Christophe Cassou pour offrir aux parlementaires une formation aux nouveaux députés sur les enjeux écologiques en se mobilisant durant 3 jours.  

Former les députés qui font les lois

‘Nul n’est censé ignorer la loi, nul n’est censé ignorer les causes du réchauffement climatique”  

Matthieu Orphelin

« 21% des parlementaires français déclarent penser que le changement climatique ne fait pas consensus parmi les scientifiques. Or c’est faux et je constate que la biodiversité est un des sujets les moins débattus à l’Assemblée nationale », déclare l’ex-député Matthieu Orphelin.

Au lendemain de l’élection des nouveaux parlementaires, il est apparu utile de rappeler que les enjeux climats et biodiversité doivent transcender les partis et d’élaborer une formation express sur les enjeux écologiques proposée aux députés par un groupe de 35 scientifiques de renom.

Ces formations ont pour vocation de donner les premiers outils en main aux parlementaires pour une meilleure compréhension des enjeux climatiques mais surtout de faire en sorte que les lois et les politiques publiques soient menées à l’aune des connaissances scientifiques. Comme le rappelle Christophe Cassou, cette formation vise à « aider les députés à faire des lois utiles, poser le cadre de l’ambition qui est nécessaire pour préserver la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique, sachant que le cadre est dicté par les lois intangibles de la physique ».

Faire prendre conscience de l’état de la dégradation de la planète et provoquer l’étincelle pour voter en connaissance de cause,  informer du réchauffement climatique qui va se poursuivre pendant au moins 20 ans ce qui demande des changements de réaffectation  des investissements, sont autant de motivation des scientifiques qui ont tenu a impliquer la jeunesse qui porte des messages forts alors qu’elle n’est pas encore aux manettes et qu’elle va vivre les conséquences  de ce réchauffement climatique.


Les rapports du GIEC, dont les plus récents ont pourtant subi un éclairage médiatique conséquent, ne sont utiles que s’ils sont compris et utilisés à la lumière de décisions impactantes.

« Notre devoir est de transmettre le diagnostic posé et de transmettre les options car il existe une gamme infinie de solutions avec des co-bénéfices importants  » souligne Magali Reghezza, maître de conférences à L’ENS. Le développement durable couvrant l’intégralité des champs d’action des politiques publiques, l’intégrer au processus législatif en  est donc plus que bénéfique.  

A l’orée d’échéances législatives cruciales, dont le vote du Plan Stratégique National, la Loi programmation « énergie climat », la loi d’orientation agricole, ou le PLF, ces formations essentielles sont un premier rendez-vous dans ce mandat avec pour objectif d’organiser une formation plus poussée de tous les parlementaires, en vue du 6è rapport du GIEC fin 2022-début 2023.

La mobilisation des collectifs et de la jeunesse    

Le collectif Réveil écologique a participé à cette initiative et a co-élaboré  les documents de synthèses remis aux parlementaires. Impliquer la jeunesse est essentielle car cette génération va subir les conséquences des décisions qui vont être prises dans les prochaines mandatures à un moment crucial de l’histoire du réchauffement climatique.  Il reste quelques années pour agir avant d’atteindre le point de bascule irréversible. Léa Falco, figure médiatique du collectif Pour un Réveil écologique, déclare que  “les jeunes ont besoin de législateurs ambitieux sur la question environnementale”, d’où leur mobilisation et un document de référence sur  les prochaines grandes échéances législatives.

Cette formation n’est pas suffisante, elle est nécessaire, mais il faudra une vraie formation et un socle d’informations partagées, telle était la teneur des conclusions à l’issue des trois jours.

De la démocratisation de la transition écologique

Des collectifs émergent également dans les entreprises et dans la société civile :  plus de 150 collectifs ont vu le jour ces dernières années. Les salariés expriment une volonté de se former et d’agir face aux défis climatiques et environnementaux, de mieux comprendre leurs impacts humains et attendent que leur entreprise évolue dans leurs décisions et stratégies et prennent en compte ces enjeux sociétaux.

La formation des élus est essentielle mais au-delà de cette initiative tournée vers les parlementaires, c’est toute la population qui devrait recevoir une formation. Dans les territoires, à l’université mais aussi dans l’Education nationale qui a un grand rôle à jouer, dans les fédérations professionnelles et les entreprises, il existe un véritable enjeu de la formation pour provoquer une prise de conscience, voire un élan salutaire et modifier les comportements.  

La formation et l’accès à l’information sur la transition écologique sont des questions  apartisanes, relevant de l’intérêt général. La transition écologique questionne également le fonctionnement de notre démocratie. Ces formations doivent concerner tout le monde, le grand public mais aussi les plus défavorisés.

« L’objectif est de faire qu’il n’y ait pas un écart entre les connaissances des députés d’une part et celles des jeunes et la société civile, c’est important d’aller vers tous les publics notamment dans des couches de la population qui n’ont plus l’occasion d’être formées et qu’il faut former sur ces questions, il est important d’avoir tout le monde à bord», déclare la scientifique Sophie Szopa. Finalement, la transition écologique incarne un double enjeu de démocratie car elle doit être inclusive et toucher tout le monde sans exception, mais c’est aussi une formidable opportunité de faire revenir ou d’intéresser des citoyens vers la Res Publica. (la chose publique)

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