« La sensibilisation et la formation aux enjeux de la transition écologique concernent directement les entreprises »- Jean Jouzel

Intégrer les enjeux de la transition écologique à l’enseignement supérieur

Depuis bientôt 10 ans, le monde est témoin d’un mouvement étudiant inédit du fait de son ampleur : des marches pour le climat sont organisées aux quatre coins de la planète. À Londres, Paris, New York, Nairobi ou Mexico, le monde étudiant s’est massivement mobilisé afin de manifester une compréhension accrue des enjeux du réchauffement climatique, ainsi qu’une inquiétude grandissante face à l’urgence de la situation.

Impulsées par la jeune activiste climatique Greta Thunberg, ces « marches étudiantes pour le climat » ont rapidement gagné de l’ampleur et témoignent d’une véritable compréhension des enjeux du changement climatique de la part de la jeunesse. En France, à la suite de la sortie du rapport GIEC en 2018, une marche historique a eu lieu devant l’Hôtel de ville de Paris.

Mais si l’éducation sur les sujets écologiques se développe rapidement chez les étudiants, elle est très souvent le fruit d’une politisation personnelle, et résulte peu d’une politique éducationnelle.

Selon Montesquieu, « L’éducation consiste à nous donner des idées, et la bonne éducation à les mettre en proportion ».

Ainsi, il est plus que jamais nécessaire que l’enseignement secondaire et supérieur accordent une plus grande importance à la transmission des fondamentaux en matière de développement durable et des enjeux écologiques. Cela mènerait à une prise de conscience écologique plus globale auprès des jeunes générations.

Si l’enseignement à tous les niveaux est essentiel au bon fonctionnement de la société, l’enseignement secondaire reste la dernière étape avant l’intégration des individus sur le marché du travail. Les futurs jeunes diplômés sont au carrefour entre le monde professionnel et pédagogique. Il est donc une étape d’une importance capitale dans la formation des citoyens.

C’est précisément parce que ces formations sont essentielles qu’un groupe de travail présidé par Jean Jouzel a remis à Frédérique Vidal (ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) un rapport sur l’intégration des enjeux de la transition écologique aux formations d’enseignement supérieur.

Ce groupe de travail plaide pour la mise en place de nouvelles politiques éducatives qui auraient pour objectif, à terme, de « faire en sorte que chacun dispose des connaissances et de compétences à même de lui permettre d’agir pour la Transition écologique en tant que citoyen et en tant que professionnel ». L’accès à l’éducation écologique pour tous dans l’enseignement supérieur est l’objectif principal de ce rapport. Et pour mettre ce dispositif en œuvre, plusieurs mesures sont suggérées.

« Au-delà de l’enseignement supérieur, notre rapport recommande que la sensibilisation et la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable se concrétise tout au long de la vie des citoyens et des professionnels. Les entreprises sont directement concernées.»

Ce qu’il faut retenir du rapport Jouzel (2022)

I. L’évolution du contenu des formations de l’enseignement supérieur

Le rapport exhorte avant tout une intégration des thématiques de transition écologique dans les parcours de formation et les enseignements déjà existants. Des enseignements spécifiques, dédiés aux sujets de transition écologique pourront également être proposés. Et si les défis de cette transition nous concernent tous, le rapport recommande de prioriser les enseignements sur cette thématique au niveau Bac +2. Dans la continuité des enseignements dispensés lors des cycles scolaires primaires et secondaires, l’objectif serait de former d’ici 5 ans 100% des étudiants au niveau Bac +2, et ce quel que soit leur cursus.

II. L’accélération et le renforcement de l’implication des établissements d’enseignement supérieur

Le rapport préconise également la mise en place par les établissements d’une auto-évaluation basée sur le référentiel DD&RS (Développement durable et responsabilité sociétale).

Ce référentiel pourra les aider à réaliser un état des lieux sur leurs politiques éducatives et à piloter correctement leur stratégie d’établissement. Le rapport suggère que les établissements utilisent comme outil référent l’Accord de Grenoble de la Convention pour la transition des établissements du supérieur (https://la-ctes.org/). Cet accord est issu de concertations entre étudiants, enseignants et membres du personnel. Il répertorie et classe les établissements du supérieur engagés dans la transition écologique.

En ce qui concerne la définition de la stratégie globale à adopter par l’établissement, la Déclaration d’état d’urgence climatique, signée par plusieurs établissements à l’initiative de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) en novembre 2020 est également suggérée en tant que cadre de référencement.

III. La mobilisation des personnels du supérieur

Les enseignants sont le socle de toute stratégie éducative. Afin que ceux-ci puissent améliorer leurs contenus pédagogiques (notamment les enseignants chercheurs), le rapport insiste sur la mise en œuvre d’une part :

  1. D’un échange actif d’informations et de ressources pédagogiques entre les enseignants,
  2. Et d’une autre part, l’augmentation du nombre de congés pour projets pédagogiques (CPP), afin que les enseignants puissent consacrer leur temps à la mise en œuvre de leurs nouveaux contenus pédagogiques.

IV. Pilotage et accompagnement par les autorités publiques

Puisqu’un tel projet a besoin de recevoir des financements adaptés, il est recommandé que L’Etat mobilise une partie du PIA (Plan Investissement d’Avenir) afin de financer et soutenir l’ensemble des acteurs.

Au niveau régional, la création d’un fonds est également proposée afin d’appuyer la collaboration entre les Régions, l’enseignement supérieur et la société civile, notamment au travers de projets, de stages ou de prestations liés à la transition écologique.

V. La mobilisation des apprenants

Le rapport recommande la mobilisation des étudiants à travers le développement de projets associatifs centrés sur la transition écologique. Pour financer ces projets, il est recommandé que les associations étudiantes qui proposent des projets de cet acabit soient éligibles à la Contribution à la Vie étudiante sur le Campus (CVEC). L’organisation d’une Convention nationale des étudiants et étudiantes pour la transition écologique est également une mesure suggérée.

VI. La mobilisation des experts

Une autre mesure recommandée par le rapport est l’animationde groupes d’experts. Ceux-ci seront chargés d’épauler les enseignants dans la création des programmes et de leurs contenus pédagogiques. La création d’un vivier d’experts, ainsi que des réunions régulières entre ceux-ci et les différents éléments du corps enseignant permettrait d’avoir un œil pluriel et précis sur le processus d’intégration des thématiques de développement durable dans les formations.

Face à l’urgence, le monde a besoin plus que jamais de ces expertises et participations multiples. Toutefois, on constatera que la grande question du développement durable, tout comme de la RSE, a du mal à se frayer un chemin au sein des grandes écoles ou des structures d’enseignement supérieur.

Mais elles semblent tout de même commencer à saisir l’enjeu de l’intégration de ces thématiques dans l’éducation. Elles se mobilisent sur quelques grandes causes sociétales avec leurs étudiants.

Dans cette étape de la formation éducative, il faut cependant considérer les enseignements dans une perspective professionnelle : les élèves sont préparés à intégrer le marché du travail.

Au sein du macrocosme entrepreneurial, les sujets de RSE et de développement durable sont déjà bien intégrés dans les politiques des entreprises et d’autres structures (associations, collectivités …)

Les sujets mis à l’honneur au sein de ces écoles restent des sujets d’ordre sociétaux (inclusion, solidarité). Si l’on souhaite que le développement durable soit assimilé dans l’intégralité de son spectre dans les formations d’enseignement supérieur, on ne peut qu’appuyer et valoriser les recommandations du rapport Jouzel.

Consultez ici le rapport :

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022-02/rapport-former-aux-enjeux-de-la-transition-ecologique-dans-l-es-pdf-16808.pdf

Et retrouvez ici le résumé exécutif du rapport :

https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2022-02/r-sume-executif-pdf-16811.pdf

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