Alors que les ODD ne sont connus que par 11% de la population française contre 93% au Danemark, le rapport « ODD : TOUT EST LIÉ ! » » préconise des recommandations pour mieux coordonner et mobiliser le mouvement multi-acteurs autour des ODD tout en prônant une démocratisation et une éducation aux ODD tout au long de la vie.
Dans ce cadre-ci , découvrez l’interview de Florence Provendier, Députée des Hauts-de-Seine et autrice du rapport « ODD : TOUT EST LIÉ ! »
Vous avez remis un rapport au Premier ministre sur les ODD : quels en sont les grands enseignements ?
A quoi bon sauver la planète si nous ne prenons pas soin de l’humanité ? Cette réflexion nourrit depuis des décennies mes choix personnels et professionnels, en entreprise, dans l’humanitaire, dans mon engagement associatif et en politique. Devenue députée, je me suis interrogée sur la façon dont le Gouvernement s’était emparé de cette boussole universelle que sont les objectifs de développement durable. Je me suis posée cette même question pour le Parlement, dans l’élaboration des lois, l’adoption du budget ou encore le contrôle qu’il exerce, convaincue de l’urgence, face aux crises que nous traversons, de faire converger l’Agenda 2030 et l’agenda public. Après une longue période d’échanges, le Premier ministre m’a confié une mission temporaire le 1er septembre 2021 auprès de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili dont l’objectif était de proposer des éléments de recommandation pour mieux structurer, coordonner et mobiliser le mouvement multi-acteurs autour des objectifs de développement durable (ODD). J’ai tenu à dresser un état des lieux des actions de la communauté ODD et à partager les nombreuses initiatives inspirantes portées par des acteurs pluriels, convaincus de la nécessité de s’approprier ce socle de valeurs communes et de promouvoir des recommandations opérationnelles travaillées en concertation. Ces 6 mois de recherches, d’auditions d’un panel représentatif de toutes les parties prenantes ainsi que d’une consultation en ligne, ont permis de faire émerger de nombreuses propositions et idées.
Parmi les grands enseignements qui sont multiples, je souhaiterais en partager 3.
Tout d’abord, c’est le mode de fonctionnement et de pensée de la société française en silo [y compris au plus haut niveau de l’État] qu’il faut faire évoluer parce que ce n’est que grâce à nos différences et nos complémentarités que nous pourrons bâtir un monde plus juste et plus durable. Ensuite, à tous les niveaux, les acteurs sont de plus en plus nombreux à s’emparer des ODD, convaincus de leur pertinence. Pour autant, il est urgent de structurer et coordonner ce mouvement. Mais avant toute chose, les ODD sont encore méconnus. Il est fondamental de les démocratiser afin de partager une vision et une approche communes, pour un monde apaisé.
Vous prônez le “Tout est lié !” : pouvez-vous nous en dire plus ?
J’entends plusieurs choses :
Premièrement, le fait qu’en France, le développement durable est trop souvent cantonné à son volet écologique. Or, le développement durable, c’est bien plus que cela. Pour changer de modèle de société, pour évoluer vers un monde plus juste et plus durable, nous devons penser nos actions, nos politiques publiques en intégrant l’écologie, l’économie et le social selon une approche en 3D. C’est la force des ODD d’être un cadre d’action matriciel.
Deuxièmement, le fait que la réalisation de l’Agenda 2030 passera par la mobilisation de toutes les parties prenantes. Chacune et chacun, y compris les jeunes, a un rôle à jouer à son niveau et en fonction de ses compétences.
Troisièmement, j’ai également en tête la notion de dialogue qui doit être au cœur de notre façon de construire un futur souhaitable. Pour cela, il est nécessaire de relier les enjeux de nos vies quotidiennes, grâce à un langage commun qui facilite les échanges à l’échelle locale, nationale, européenne et internationale : c’est l’essence même des ODD. Par leur approche systémique, ils permettent d’allier écologie, économie innovante et prospérité partagée, sans laisser personne de côté. Ils sont la promesse d’une croissance durable ainsi que du renouveau démocratique tant souhaité par une grande partie de nos concitoyens.
Alors que les ODD ne sont connus que par 11% de la population française contre 93% au Danemark, comment peut-on faire pour une meilleure connaissance des ODD par les Français ?
Un enjeu majeur est de les faire connaître en démocratisant, éduquant et formant aux ODD tout au long de la vie : démocratiser les ODD auprès du grand public en les promouvant, par exemple, lors de grands événements fédérateurs comme les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 ou en organisant une manifestation culturelle, un grand festival sur le modèle des Solidays ou du festival d’Avignon ; éduquer aux ODD dès l’école, en renforçant l’éducation au développement durable (EDD) dispensée dans les établissements primaires et secondaires, en intégrant tous les ODD au-delà de ceux relatifs à la protection de la faune et de la flore ODD 15, au climat ODD 13 ou à la consommation responsable ODD 12 ou encore en intégrant une vision transversale du développement durable dans les programmes des grandes écoles y compris celles de la haute fonction publique et globalement de tout l’écosystème de l’enseignement supérieur ; former aux ODD et ce, tout au long de la vie, en proposant une offre de formation aux ODD via le compte personnel de formation ou en formant les représentants du personnel à l’Agenda 2030.
Comment peut-on accélérer une prise en compte des ODD dans les politiques publiques ?
L’Etat doit être un modèle en matière d’ODD en rattachant le pilotage de la feuille de route française au Premier ministre, notamment en vue de la revue nationale volontaire que la France s’est engagée à réaliser en 2023. Une priorité serait alors de préciser, d’actualiser et de porter politiquement la feuille de route nationale élaborée en 2019, qui reste très confidentielle et qui n’est pas traduite en objectifs SMART. Ce pilotage devrait s’appuyer sur la création de coalitions et de groupes de travail ad hoc. Ensuite, les ODD devraient devenir un outil de transformation de l’action publique en faisant évoluer le cadre des dépenses publiques et la législation. A l’instar du Budget Vert, les budgets de l’Etat et des collectivités territoriales pourraient être analysés à l’aune de leur contribution aux ODD. Un autre moyen serait de développer une méthodologie d’analyse d’impact pour évaluer la contribution aux ODD d’une part, et la non-atteinte des ODD d’autre part, de l’ensemble des stratégies et plans d’investissement nationaux.
Aujourd’hui, nous sommes pratiquement à mi-chemin entre l’adoption des ODD et l’échéance de 2030. Nous fêterons les 7 ans des ODD le 25 septembre prochain, le moment idoine pour témoigner de la volonté de la France de devenir l’ambassadrice de l’Agenda 2030.
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