Les experts : Tréguier Anne-Marie
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Tréguier Anne-Marie
L’océan au service de l’humanité
L’océan, cette vaste étendue d’eau qui couvre les deux tiers de notre planète et contient 97 % de son eau, est un système complexe et fascinant. Un seul courant océanique comme le Gulf Stream peut transporter cent fois plus d’eau que tous les fleuves de la planète ; les trois quart des espèces vivant dans l’océan sont encore inconnues, et le fond de l’océan est moins bien cartographié que la surface de la planète Mars ! Le fonctionnement du « système océan » apporte à nos sociétés des services essentiels. Cependant, il est aujourd’hui menacé : il faut maintenir notre océan en bon « état de marche » pour qu’il continue à produire les ressources nécessaires à l’humanité.
Depuis le début de l’ère industrielle, l’usage des combustibles fossiles a renvoyé dans l’atmosphère du carbone qui avait été stocké sous terre il y a des millions d’années. L’océan a absorbé environ le quart de ce carbone, mais celui qui est resté dans l’atmosphère a amplifié l’effet de serre et perturbé l’équilibre énergétique de la planète. L’océan, grâce à son immense masse, a absorbé plus de 90 % de l’excès d’énergie ! L’océan a donc modéré le réchauffement terrestre, et c’est grâce à lui que notre planète est encore vivable aujourd’hui. Cependant, si le système de grands courants qui redistribuent la chaleur dans l’océan est perturbé à l’avenir par le réchauffement, ce rôle modérateur de l’océan pourrait décroître. De plus, l’océan devient plus acide quand il absorbe du CO2 et il perd son oxygène, devenant ainsi moins propice à la bonne santé de ses écosystèmes.
Le plancton qui vit dans l’océan est responsable de la moitié de la photosynthèse sur notre planète, et donc de la création de l’oxygène que nous respirons. Les écosystèmes marins,
et en particulier les poissons, sont source de 17 % des protéines consommées dans le monde. L’enjeu de la préservation de cette ressource est gigantesque : 80 % des stocks de poissons dans le monde sont surexploités, et les espèces marines doivent de plus s’adapter au changement climatique. L’Objectif du Développement Durable « préserver les océans et les ressources marines » relève ces défis, avec pour cibles majeures la réglementation de la pêche, le développement d’aires marines protégées ou encore l’évolution du droit international de la mer.
L’océan rencontre la terre sur le littoral, cet espace où nous aimons vivre, qui suscite rêves et envies de loisirs. 40 % de l’humanité vit à moins de 100km des côtes : nos sociétés sont donc vulnérables à la montée des eaux, qui résulte autant de l’expansion thermique de l’océan que de la fonte des glaces continentales. Le littoral abrite des écosystèmes remarquables, zones humides, mangroves ou récifs coralliens, que nous devons préserver. Simultanément, ces zones littorales doivent pouvoir accueillir de nouvelles installations productrices d’énergie décarbonées, comme les éoliennes « off shore », qui participent à l’effort global d’atténuation du changement climatique.
Pour préserver l’océan nous devons d’abord mieux le connaitre. C’est l’objectif de la « Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable », 2021-2030. Grâce à cet effort international, la communauté scientifique va mieux observer l’océan et partager ces observations, pour que les sociétés puissent mieux anticiper et gérer les risques. Les chercheurs vont aussi se mobiliser pour mieux comprendre la dynamique des écosystèmes et prévoir leur évolution future.
Cette décennie est une formidable opportunité pour agir pour l’océan, grâce aux associations qui mobilisent des citoyens du monde entier. Nous devons prendre conscience qu’agir pour l’océan, cela commence sur terre : éviter d’émettre davantage de gaz carbonique qui irait réchauffer et acidifier l’océan, et éviter que nos déchets ne viennent le polluer davantage. Nous pouvons tous agir !