Les experts : Paulmier Bruno

Paulmier Bruno

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Réinventons l’investissement public local pour réussir la transition des territoires

La mise en œuvre effective de la transition ne se décrète pas, ni au niveau international ou européen, ni au niveau national. Pour agir et pour réussir, il faudra beaucoup de territoires plus engagés qu’aujourd’hui, il faudra des investissements massifs pour renouveler ou transformer le parc immobilier et mobilier publics locaux énergivores, adapter les équipements publics aux changements climatiques et aux enjeux de sobriété, révolutionner les mobilités, transformer les territoires, reconquérir les espaces précieux ou délaissés, stopper l’artificialisation des sols, produire des énergies renouvelables, recycler les déchets et prendre soin de l’eau… Très vaste programme.

Il suffit pour s’en convaincre de parcourir les 169 cibles des 17 ODD ou de prendre la mesure des changements à opérer afin d’atteindre l’objectif de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre.

Comment imaginer que la conversion à une économie décarbonée et que l’inversion de la courbe de la disparition de la biodiversité se réaliseront sans un investissement soutenu et répondant à des caractéristiques et à des critères d’évaluation nouveaux ?

La crise sanitaire actuelle et l’envolée spectaculaire de la dette publique de l’Etat et des institutions européennes qui en est la conséquence ne doivent pas occulter cet enjeu majeur du début du xxie siècle. Nous, État, collectivités locales, entreprises, corps intermédiaires, citoyens, sommes tous en retard sur tous nos engagements ou notre responsabilité. Et il ne faut pas que l’irruption de la vulnérabilité dans notre champ des possibles se traduise par une échappatoire ou une nouvelle excuse pour repousser les échéances.

Avec une récession économique probablement tenace et une explosion de la dette publique, la référence aux critères de Maastricht a pris un sérieux coup de vieux… Il nous faut donc changer de référentiel.

Depuis de nombreuses années, les collectivités territoriales ont un impact financier vertueux au sein du bloc des administrations publiques. Non seulement leurs emprunts correspondent exclusivement à la couverture d’une partie du besoin de financement de leurs investissements (elles en autofinancent une autre partie et elles disposent de ressources propres), mais elles ont su stabiliser la fiscalité locale et le montant de leur dette. Pour peu que l’État ne remette pas en cause leurs ressources et compte tenu de l’abondance des liquidités qui maintient les taux d’intérêt au plus bas, les collectivités locales vont pouvoir continuer à réaliser de l’ordre de 65 % de l’investissement public civil du pays.

Les cadres dirigeants territoriaux seront bien inspirés à renouveler et à renforcer leur rôle auprès des élus locaux en orientant leur aide à la décision dans au moins quatre directions. Promouvoir les choix en faveur des investissements les plus écologiquement efficients en dépassant la traditionnelle logique budgétaire par la prise en compte de critères extra financiers (par exemple en territorialisant les ODD comme à Niort) ; Encourager les innovations techniques mais aussi sociales des entreprises candidates aux marchés publics en les incitant à optimiser leurs réponses au moyen de cahiers des charges audacieux (recycler des matériaux récupérés sur place par exemple plutôt que d’en importer de loin…).

S’assurer avec lucidité de l’impact de ces investissements sur l’environnement et de leur perception par les citoyens et plus largement les parties prenantes du territoire, publiques comme privées, afin que les retours sociétaux sur investissement soient les plus élevés possibles.

Accompagner la transformation de la finance en faveur d’une plus grande responsabilité en souscrivant des emprunts répondant à des critères et à des engagements explicites de la part des prêteurs. L’association ADT-INET mobilise les cadres des collectivités locales en faveur de leur nouveau devoir d’agir. Elle appelle à une audacieuse révision des référentiels et des perspectives. Elle invite aussi les décideurs publics et privés à intensifier l’ancrage entre les actions relevant de la RSE et les politiques publiques d’aménagement du territoire et de renforcement de la cohésion sociale. Plus que jamais, l’heure est aux coopérations.

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