Coup de chaud sur les océans
L’océan mondial a une profondeur moyenne de 3800 m, contient 1,4 milliards de milliards de mètres cubes d’eau salée (environ 35g/L de sel) et a une température moyenne de 2°C environ, car le soleil ne chauffe qu’une toute fine pellicule d’eau en surface. Un tel mastodonte parait solide et donc difficile à ébranler. Mais c’est un colosse aux pieds d’argile. S’il limite l’ampleur du changement climatique, il est aussi affecté par ce dernier, à l’instar d’autres compartiments de la planète (atmosphère, surfaces continentales…). Sa capacité à limiter le réchauffement repose sur deux propriétés majeures, mais qui en retour modifient son fonctionnement actuel comme cet article le discute.
Tout d’abord, l’océan absorbe la quasi-totalité de la chaleur qui s’accumule dans l’atmosphère. Au cours des 50 dernières années, il a emmagasiné 93 % de l’excès de chaleur lié à
l’augmentation de l’effet de serre due aux activités humaines. Ce qui a pour conséquence la montée du niveau de la mer, qui est un effet conjugué de la dilatation des eaux et de l’arrivée d’eau de fonte des glaciers et calottes polaires. Une autre conséquence est à terme une modification de la circulation océanique, déjà observée en Méditerranée. En effet, notre climat actuel dépend fortement du couple « Océan-Atmosphère ». Pour comprendre, suivons le Gulf Stream, qui prend de la chaleur à l’atmosphère dans le Golfe du Mexique, puis passe au sud de la Floride, remonte vers le Nord et traverse l’Atlantique vers les côtes norvégiennes. Ses eaux chaudes et salées coulent en surface. Elles se refroidissent près du Pôle en rendant leur chaleur à l’atmosphère, ce qui les densifient (plus froides donc plus denses) et les font cascader vers les profondeurs. Elles repartent alors vers le sud, en longeant les côtes des Amériques entre 1,5 et 3 km de profondeur. Cette mécanique est à l’origine d’une circulation mondiale, qui transfert énormément d’énergie d’un bout à l’autre du globe, sur une période de 1000 ans environ et conditionne le climat. Le réchauffement des eaux, la fonte du Groenland qui libère des eaux douces dans la zone de plongée des eaux denses mettent en danger la dynamique du couple « océan-atmosphère », et donc fragilisent cette circulation. D’ailleurs, les données de paléoocéanographie nous démontrent qu’elle était différente lorsque d’autres climats sévissaient sur terre.
Par ailleurs, les océans absorbent de l’ordre de 30 % des émissions de CO2 dues aux activités humaines, limitant ainsi l’effet de serre. Mais là encore, cette propriété à des conséquences particulièrement inquiétantes pour les écosystèmes marins, les chaines trophiques et donc l’humanité. La dissolution du CO2 conduit à l’acidification des eaux marines. Selon le scénario d’émission de CO2 considéré, l’acidité de l’eau de mer pourrait augmenter de 38 à 170 % d’ici la fin de ce siècle. Or, de nombreuses algues ont un squelette calcaire. Il en est de même pour les petits organismes animaux qui s’en nourrissent, voire pour les moules et les huîtres et pour les coraux, magnifiques édifices calcaires.
Or cette acidification nuit à la calcification et au développement de ces premiers maillons de notre alimentation. Ajoutons que le réchauffement conduit au blanchiment des coraux, augmente la stratification des eaux de surface ce qui bloque la remontée des seuls nutritifs, appauvrissant la ressource pour le développement des algues.
Le constat est là : il est urgent de protéger nos océans ; le meilleur atome de carbone est donc celui qui reste dans le sous-sol.