Les experts : Hallaire Stéphane

Hallaire Stéphane

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Hallaire Stéphane

Les entreprises peuvent sauver les forêts du monde

Les forêts du monde se trouvent à un tournant historique. La déforestation continue de faire rage à hauteur de 10 millions d’hectares déboisés chaque année, qui alimentent le réchauffement planétaire. Pour Stéphane Hallaire, président de Reforest’Action, les entreprises ont à la fois l’extraordinaire capacité, l’intérêt et la responsabilité historique de devenir le principal soutien financier de la restauration des écosystèmes forestiers mondial.

Les perspectives climatiques sont connues : 7 degrés de réchauffement d’ici 2100 en cas d’inaction. Pour les forêts qui constituent le premier puits carbone et le principal foyer de biodiversité terrestres, les prévisions sont tout aussi alarmantes : savanisation de l’Amazonie, forêts émettrices nettes de CO2 en zones tropicales, dépérissement des forêts en zones tempérées. Pour faire mentir ces projections aux conséquences socio-économiques inimaginables, un mot d’ordre préside à tous les engagements : réduction. De notre empreinte carbone et de la déforestation.

Si la protection accrue des forêts existantes est vitale, elle ne suffira pas à elle seule à lutter contre la crise jumelle « climat – biodiversité ». Protection et restauration vont de pair : il faut agir sur l’une ET l’autre, via des stratégies complémentaires. Restaurer n’est pas un aveu d’échec, c’est une nécessité. Parfois hâtivement présentées comme la solution miracle au réchauffement climatique, les forêts sont bien plus précieuses qu’on ne l’entend. La diversité des services qu’elles fournissent (régulation du cycle de l’eau, production d’oxygène, etc.) en font d’indispensables alliées face aux dérèglements environnementaux. La reforestation constitue ainsi une solution majeure pour agir à grande échelle en faveur du climat, de la biodiversité et du développement humain.

L’urgent défi auquel l’Histoire convoque l’Humanité est de replanter des milliards d’arbres. Le GIEC préconise de reboiser un milliard d’hectares de forêts pour contenir à 1,5°C le réchauffement d’ici 2050. D’aucuns pourront discuter ces chiffres mais l’ordre de grandeur est là : gigantesque. Et il nous engage tous. L’idée n’est pas de planter dans l’empressement des champs d’eucalyptus sur d’immenses surfaces. Il s’agit plutôt de reconstituer partout où cela est pertinent et via un vaste nombre de projets à taille humaine, des forêts diversifiées composées d’essences indigènes sélectionnées avec et au profit des communautés locales. Planter à tout crin n’est pas non plus la règle d’or. Accompagner la régénération naturelle des forêts est tout aussi judicieux lorsque les conditions locales la permettent.

Pour relever ce défi, des sommes colossales sont nécessaires. D’où doivent-elles provenir surtout ? Des entreprises ! D’une part car ce sont elles qui, avec leurs investisseurs et leurs collaborateurs, créent une importante part de la richesse dans notre monde. D’autre part, parce que les entreprises puisent chaque jour les ressources naturelles utiles à leur production. Enfin car, agiles et réactives, elles peuvent mobiliser rapidement les moyens financiers nécessaires. En somme, les entreprises ont à la fois la capacité, l’intérêt et la responsabilité historique de devenir le principal soutien financier du reboisement mondial. Alors que leurs dirigeants fassent de la restauration des forêts leur priorité sans autre attente de retour sur investissement que le bien commun de l’Humanité et, par rebond, les conditions de leur prospérité.

Soyons clairs. Certaines entreprises sont parfois la source de dégradations environnementales. Elles doivent en outre transformer leur modèle économique pour l’intégrer dans le cadre des limites planétaires. Une fois dit cela, rappelons que les entreprises sont interdépendantes d’autres organisations telles que les associations et les pouvoirs publics. Alors oui, il est nécessaire pour préserver les forêts de tancer les entreprises lorsque celles-ci tardent à agir. Oui aussi, les États doivent davantage contraindre les entreprises à accélérer leur mue écologique. Oui enfin, les entreprises peuvent et doivent financer massivement et en urgence la reforestation planétaire. Ainsi elles pourront, en coopération avec les associations et pouvoirs publics, sauver les forêts du globe. L’inertie n’est plus une option, alors ne tardons plus : reforestons massivement !

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