Les experts : Folin Sébastien

Folin Sébastien

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Folin Sébastien

La santé, un droit universel

En 2016, alors président du Fonds Afrique de Solidarité Sida, je suis en mission au Togo, pour rencontrer, avec les équipes de l’association, nos partenaires à Lomé. Ces structures locales s’occupent de soutien psycho-social, de formation, de soins et de plaidoyer. Ce sont des voyages toujours marquants. Nous allons à la rencontre de bénévoles et de professionnels de santé très investis, malgré le manque de moyens et le poids du regard de la société. Dans certains pays où l’homosexualité, la prostitution, ou les naissances hors mariages, sont criminalisés, ces militants mènent leurs combats avec beaucoup de dignité, parfois au péril de leur vie. Quant aux personnes porteuses du virus et les malades, outre la souffrance engendrée par leur santé, elles cumulent souvent les discriminations.

Je me souviens de Prosper, 51 ans, alors qu’il en paraissait 70. Assis sur le perron de sa très modeste maison, il attendait là, comme chaque jour, que les bénévoles de l’association viennent le nourrir, le soigner, lui apporter un peu de réconfort, alors que ses propres enfants, vivant dans des maisons mitoyennes, l’avaient totalement délaissé. En France des situations similaires existent, et plus de la moitié des personnes séropositives vivent en dessous du seuil de pauvreté. Oui, la santé est un enjeu social fondamental qu’il faut prendre à bras le corps. Par l’accès au soin bien sur, mais aussi en changeant notre regard sur les personnes souffrants de maladies chroniques. Dans un monde régit par l’efficacité et la performance, aucune place n’est laissée aux signes de faiblesse. Le monde du travail, l’accès au logement, la vie quotidienne, sont inadaptés aux conditions de vie des malades. Et pourtant cette vulnérabilité peut tous nous toucher, à tout moment.

Ce lien entre statut social et santé a été mis en exergue par la pandémie que nous traversons depuis plus d’un an. Alors que deux milliards d’entre nous ont déjà été vaccinés, en grande majorité dans les pays riches, les inégalités face aux traitements sont apparues de façon criante. Et la multiplication des variants aux quatre coins de la planète met en lumière l’interdépendance de l’ensemble des populations mondiales bien au-delà des frontières. Pour la première fois peut-être, apparaît la notion d’universalité de la santé. Si tout le monde n’est pas protégé, personne ne l’est. à l’heure où j’écris ces lignes, le G7 a décidé au nom de la solidarité internationale de livrer un milliard de doses de vaccins aux pays pauvres. C’est un premier pas mais bien évidemment insuffisant. La question de la levée des brevets n’a pas encore été tranchée, alors que les laboratoires indiens, sud-africains et bangladais, se disent équipés et prêts à entamer la fabrication des vaccins en masse. Mais la partie immergé de l’iceberg cache des intérêts géopolitiques et économiques colossaux. Les grandes puissances se battent pour de nouveaux marchés, et utilisent les médicaments comme outil de soft power, pour se partager le monde. L’Histoire se répète.

Je ne suis ni économiste, ni diplomate, plutôt un utopiste idéaliste, et je me demande quelle est la pérennité d’un système où rentabilité et santé sont intimement liés ? La santé pour tous devrait être un droit fondamental indiscutable, quelles que soient nos origines, notre milieu social ou nos revenus. S’il est prouvé que le dérèglement climatique a un impact sur la stabilité des états et la démocratie, il est évident que le bien-être des populations au niveau planétaire en est aussi l’un des garants.

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