Les experts : Duflot Cécile

Duflot Cécile

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Duflot Cécile

Écrire l’histoire d’une véritable transition du système alimentaire et agricole ici et ailleurs

L’urgence de la transition agricole et alimentaire a été très visible pendant la pandémie de Covid 19 : files d’attente pour les banques alimentaires, manque de débouchés pour les producteurs et productrices. Cette crise s’est ajoutée à toutes les autres crises qui, elles aussi ne peuvent plus attendre : crise climatique, conflits exacerbés dans certaines régions, crise des inégalités. Cette superposition de crises se traduit, au-delà des chiffres par une réalité concrète : plusieurs centaines de millions de personnes ne mangent pas à leur faim, plusieurs milliards n’ont pas les moyens d’acheter une nourriture saine, de qualité. Paradoxalement ceux qui nous nourrissent, les paysans et paysannes sont aussi ceux qui souffrent le plus de la pauvreté, des inégalités et de la faim.

Notre système agricole et alimentaire est profondément inégalitaire et le droit à l’alimentation des populations les plus marginalisées est mis en péril : inégalités socio-économiques d’accès à l’alimentation, appauvrissement des petit.es producteur.trice.s, concentration des agro-industries au détriment des agricultures paysannes et familiales, etc.
Si les tendances actuelles se poursuivent, le nombre de personnes sous-alimentées dépassera les 840 millions en 2030. Il est urgent de changer de cap et de repenser en profondeur nos modes de production agricole et de distribution alimentaire, dans le respect de la nature et de l’humain.

Deux enjeux de taille doivent être affrontés concomitamment : les enjeux sociaux et environnementaux.

La transition de notre alimentation doit à la fois garantir un socle social, et protéger les droits humains de tous les acteurs du système agricole et alimentaire en permettant que celles et ceux qui produisent les aliments bénéficient d’un revenu décent et de bonnes conditions de travail, et que tous les citoyens puissent accéder à une alimentation saine, de qualité, durable et culturellement adaptée. Mais elle doit aussi ne pas dépasser le plafond environnemental: la production de notre alimentation ne doit pas se faire au péril de notre planète, mais d’une façon durable pour le vivant.

Faire face aux crises alimentaires

Aujourd’hui, l’urgence est d’inverser la tendance et de stopper cette courbe croissante du nombre de personnes souffrant de la faim. Des mesures à court terme sont bien entendu nécessaires, d’ordre humanitaire, et les gouvernements ont un rôle à jouer dans la coordination d’une réponse multilatérale, dans le financement de cette réponse et dans les mesures humanitaires nécessaire : cessez le feu, disponibilité et accès facilité à la nourriture pour les populations. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que cette superposition des crises s’ancre dans des causes plus profondes, qu’il est nécessaire d’adresser pour une transition radicale, avec un réel impact.

Transformer notre système

Pour écrire l’histoire d’une véritable transition de notre système alimentaire et agricole ici et ailleurs, nous estimons qu’il est temps notamment de reconnaître le rôle central des paysannes et des paysans. Ce sont elles et eux qui nous permettront de faire face collectivement aux crises alimentaires, climatiques et écologiques de nos territoires et de notre planète. Par leur savoir-faire, leur adhésion à des principes agroécologiques : l’autonomie sur les fermes, le lien au sol et au vivant, ainsi que la résilience d’une polyculture-élevage diversifiée, du pastoralisme ou encore de l’agroforesterie et des systèmes herbagers, ils et elles produisent une alimentation de qualité et saine, qui permet une gestion des écosystèmes de notre planète adaptée à leur diversité et aux transformations du climat.

L’agroécologie permet d’adresser tous les défis auxquels nous faisons face aujourd’hui pour l’alimentation. L’agroécologie est à la fois une science, qui se base sur le savoir paysan, et un ensemble de pratiques, qui permet de produire de la nourriture sans dégrader la nature et de renforcer la résilience des paysannes et paysans face aux chocs climatiques. Elle est à la fois une solution d’atténuation des changements climatiques et d’adaptation.

C’est aussi un mouvement social, qui promeut un système agricole et alimentaire plus équitable, plus durable, où les paysans et paysannes ont les capacités de participer à la gouvernance de ce système.

Le métier de paysan constitue en outre une réponse importante à l’urgence sociale. Avec des paysannes et des paysans nombreux, installés sur des fermes de petites dimensions, de nouvelles dynamiques rurales se dessinent, une économie locale s’organise à l’échelle de tout un territoire. Ce sont des milliers d’emplois paysans qui reviennent, et en génèrent d’autres, de qualité, dans la transformation agroalimentaire et la distribution. Ce sont partout des initiatives collectives, solidaires et coopératives qui se recréent.
L’agriculture paysanne et les approches agroécologiques sont les plus à même de nourrir la population mondiale dans une approche juste écologiquement et socialement.

Le système agricole et alimentaire actuel n’est pas soutenable : il ne permet ni de garantir un « plancher social » pour tou.te.s (accès à une alimentation suffisante et de qualité, droit à la santé, égalité de genre, bien-être des travailleurs et travailleuses agricoles), ni de respecter le « plafond environnemental » (pollution des sols, des eaux et de l’air, réchauffement climatique, biodiversité…).

Les femmes sont les premières touchées par ces inégalités car elles ont moins accès aux ressources (financements, terres, éducation…) et ont donc moins de capacité d’adaptation face aux crises climatiques et sociales.

Le changement climatique a des conséquences directes sur l’agriculture de part l’augmentation des événements climatiques extrêmes : sécheresses, inondations, submersions, tempêtes, feux de forêts, ravageurs.

Il est impératif d’engager une transformation en profondeur du système agroalimentaire pour garantir une plus grande égalité dans toute la chaîne, de la fourche (production), à la fourchette (consommation).

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