Avant d’avoir les moyens, il faut avoir de la volonté politique
À l’heure où les scientifiques sonnent l’alarme sur le dérèglement de la planète, comment faire pour réussir l’agenda 2030 ?
Mon constat est qu’il y a un concept défini du développement durable qui a mis du temps à être compris. Comment se fait-il que ce concept, pourtant si prometteur pour la planète et qui devrait réconcilier l’humanité, n’ait pas pris ? Tout d’abord les principaux programmes mis en place autour du développement durable, notamment l’Agenda 21 ont été vus comme des outils d’aide au développement, donc plus adaptés pour des pays en voie de développement. Dans les pays développés, on ne s’est pas sentis concernés par l’éradication de la faim ou de la pauvreté. Les médias ont aussi une certaine responsabilité, ayant une réticence à aborder ce sujet et percevant le terme développement durable comme trop compliqué et n’intéressant pas le grand public. Pour convaincre le plus grand nombre, il est nécessaire de valoriser les porteurs de solutions, dans une démarche pédagogique, afin que l’on puisse se sentir concerné.Il faudrait également créer au sein du gouvernement une équipe entièrement dédiée au développement durable, peut-être même un pôle développement durable par ministère.
Pourquoi et comment les ODD sont-ils la clé d’une démarche vertueuse pour progresser sur le développement durable ?
Les ODD sont une grille de lecture non seulement universelle mais aussi transversale. Il existe à l’ONU une diversité des parties prenantes représentées : réseaux de collectivités, états, des réseaux d’entreprises, ONG… On entend dire que les ODD ne sont pas transformationnels, qu’ils sont trop cloisonnés, conçus comme 17 ODD séparés et indépendants. Certes L’ODD 14 (Vie aquatique) peut être considéré comme cloisonné car il concerne un cadre extrêmement précis. Je crois au développement – notamment économique – avec la mer, mais je crois qu’on a besoin de mieux connaître, de mieux préserver, de gérer plus durablement et d’améliorer la gouvernance afin de mener des stratégies de développement. Certains sujets peuvent être traités en silo peut-être, mais la réalité, c’est que le monde est plus complexe que la simplification qu’on en fait dans les politiques publiques. Nous devrions apprendre à vivre avec cette complexité, avoir une vision plus intégrée. Les collectivités l’ont compris, puisque bon nombre d’entre elles ont mis en place leur propre Agenda 21. Les crises que nous vivons sont systémiques comme celle du Covid. Or, les solutions apportées à ces crises sont aussi, de fait, systémiques et compartimentées. Il est urgent de changer de stratégie. Les ODD devraient être utilisés en amont, intégrés en tant que colonne vertébrale des politiques publiques. Ils balaient l’intégralité des sujets qui les concernent : tout y est. Si au lieu de les voir comme des objectifs à atteindre, on les intègre en amont comme structure des politiques publiques, on donnera effectivement de la cohérence à celles-ci. Il faut comprendre la richesse de cette grille de lecture, et les décideurs des politiques publiques ont souvent tendance à penser que la stratégie à adopter est d’inventer de nouvelles solutions, alors que le cadre des ODD répond à toutes les problématiques. Le mapping des ODD montre bien l’efficacité de leur transversalité.
Quel rôle le Parlement européen doit-il jouer sur les enjeux de transition écologique et solidaire ?
Les ODD sont portés par les Commissions Environnement et Développement, dans lesquelles je siège. Il serait utile de produire un rapport conjoint entre ces deux commissions concernant les ODD et nous sommes plusieurs parlementaires convaincus par les ODD et leur capacité à apporter des réponses adaptées et concrètes. Sous l’impulsion de Barry Andrews, parlementaire irlandais, la SDG Alliance s’est créée avec ces parlementaires actifs sur les ODD. Les objectifs de cette alliance sont de produire un rapport annuel concernant les ODD et de travailler avec le SDSN (Sustainable Development Solutions Network), notamment en organisant des événements avec eux. Nous demandons également à ce que les ODD soient inscrits dans le semestre européen, un certain nombre de parlementaires produisent des amendements pour obtenir des financements pour atteindre ces ODD. Mais avant d’avoir les moyens, il faut avoir de la volonté politique. Les projets se réalisent à condition de partager une vision et des valeurs, ce qu’incarnent les ODD. Nous sommes dans une période de changement, imposée notamment par la crise du Covid. En effet, nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre la capacité transformationnelle des ODD, à y être réceptif et à vouloir porter leurs valeurs au niveau des institutions.