Le pronostic vital de la planète est engagé : urgence absolue
La Terre est un paradis – les photos de Thomas Pesquet ne cessent de nous le rappeler – et nous sommes en train de la transformer en enfer.
L’alerte des scientifiques
Grâce au travail immense des scientifiques depuis
50 ans, nous connaissons les causes du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Grâce aux mobilisations inlassables des ONG, les menaces qui pèsent sur le vivant ont fini par entrer dans les consciences des citoyens et des décideurs et font la une de l’actualité. Toutefois, partout sur la planète, la dégradation du vivant et le réchauffement climatique se poursuivent ponctués régulièrement d’événements climatiques extrêmes sans précédent, impactant la santé, l’alimentation, la sécurité et le bien-être des populations. Désormais la planète est en danger, et le temps nous est compté. Il est urgent d’agir, de réagir, de changer de modèle de vie. Il en va de notre responsabilité éthique vis-à-vis du vivant et des générations futures.
Depuis 1979 et le rapport Charney commandé par la Maison Blanche, le débat sur les causes du réchauffement climatique est tranché. Les émissions de CO2 liées aux activités humaines impactent gravement le climat et l’environnement, causant à long terme des changements climatiques nuisibles pour la santé. Ces conclusions scientifiques confirmées par les rapports successifs du GIEC avaient pourtant déjà fait l’objet d’une première alerte en 1971, soit il y a 50 ans, à Stockholm : un groupe de 30 scientifiques reconnus dans leurs domaines et issus de 14 pays avait évoqué dans un rapport un risque de changement climatique grave et rapide, au cours du 21e siècle, lié principalement aux activités humaines.
Les signaux d’alertes se sont multipliés dans la presse comme lors de sessions à l’ONU, précisant les désastres à court terme sur la production alimentaire ou la sécurité des populations victimes d’inondations ou d’incendies extrêmes, ou encore à long terme sur la santé. Les combustibles fossiles, le pétrole et le charbon sont clairement identifiés comme éléments polluants responsables de l’effet de serre.
50 ans de perdus. Et bientôt une situation irréversible
50 années se sont écoulées. Dans cet intervalle, ni le Sommet mondial du développement durable à Johannesbug en 2002, et le discours mémorable du Président Jacques Chirac, ni les rapports successifs du Massachussetts Institute of Technology et du GIEC, ni les phénomènes météorologiques de plus en plus violents et les images de désolation humaine ne provoqueront un sursaut mondial. Les décennies se sont succédées, presque dans l’inertie des états et des pouvoirs publics.
Malgré le cri d’alarme de 15 000 scientifiques de 184 pays en 2017 lors de la Cop 23, qui alertent le monde sur le temps qui nous est compté « Bientôt, il sera trop tard ! », les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter au niveau national, européen et mondial. Aujourd’hui la question est combien d’années nous reste-t-il réellement pour changer la donne et changer nos modes de vie et ainsi avoir un espoir de sauver ce qui peut encore être sauvé ? Car la planète est en état d’urgence absolue et son pronostic vital est définitivement engagé. Les scientifiques sont très clairs : le niveau des émissions est tel que la planète semble de moins en moins capable de les absorber. Par ailleurs l’impact de ces émissions est de plus en plus grave développant des mécanismes qui risquent de provoquer des dégradations irréversibles.
Urgence absolue pour le vivant
La nature décline à un rythme qui s’accélère ayant pour conséquence l’érosion de la biodiversité, la dégradation des écosystèmes et des ressources naturelles. Suite au récent congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature, nous apprenons que plus de 38 500 espèces sont menacées dont 15 000 sont considérées « en danger » et 8400 « en danger critique d’extinction ». Depuis 1998, le Rapport Planète Vivante qui mesure l’état de la biodiversité sur la planète publie un Indice Planète Vivante. En 2021, le constat est sans appel. Entre 1970 et 2016, la taille moyenne des populations de vertébrés sauvages a décliné de 68 % sur une population de 20 000 mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons. En cause la destruction de l’environnement – comme la déforestation, l’agriculture non soutenable et le commerce illégal d’espèces sauvages.
La France, pays hôte en 2015 du traité international sur le réchauffement climatique et en septembre 2021 du Congrès mondial de la Nature est loin d’être exemplaire en matière de biodiversité. Selon l’Observatoire nationale de la biodiversité, 19 % des espèces sont éteintes ou menacées en France tandis que les tendances à la dégradation de la biodiversité, des forêts et des océans sont jugées préoccupantes par les ONG.
Sur le plan mondial, selon le premier chapitre du sixième rapport du Giec, qui porte sur les bases physiques du changement climatique publié en août 2021, la température moyenne de la planète a augmenté de 1,1°C depuis les débuts de l’ère industrielle, « un niveau de réchauffement qui n’a jamais été observé depuis au moins 2 000 ans ». Le seuil de 1,5°C de réchauffement, qui permettrait de limiter l’ampleur des conséquences du dérèglement climatique, devrait être atteint plus tôt que prévu, dès les années 2030, soit dix ans plus tôt que la précédente estimation. Ce scénario le plus optimiste n’est possible qu’avec une réduction des émissions de CO2 drastique et immédiate. D’ici 2100, l’élévation du niveau de la mer pourrait atteindre un mètre dans le cadre du pire scénario. Cette élévation a été plus rapide que tout ce qui a déjà été observé depuis au moins 3 000 ans, et ce processus est voué à s’aggraver sur le long terme puisque que le niveau de la mer continuera à augmenter en raison de la fonte des glaciers et la hausse de la température des océans.
Garder le cap de l’Agenda 2030 et des ODD
Les ODD sont un cadre et l’agenda 2030 un cap.
Si l’on regarde la situation française par rapport à l’Agenda 2030, les conclusions du CGDD publiées en septembre 2021 dresse un aperçu de l’évolution de la France pour chacun des 17 ODD, grâce à 98 indicateurs de suivi, élaborés par un groupe de travail du CNIS (Conseil Nationale de l’information statistique). C’est un point de repère qui doit nous permettre de nous améliorer et surtout de rester mobilisé. La France se rapproche à un rythme significatif de l’atteinte des objectifs 3 (bonne santé et bien-être), 4 (éducation de qualité), 9 (industries, innovation et infrastructure), 12 (consommation et production responsable), et 14 (vie aquatique). Elle se rapproche à un rythme modéré des objectifs 1 (pas de pauvreté), 5 (égalité entre les sexes), 8 (travail décent et croissance économique), 10 (inégalités réduites), 11 (villes et communautés durables), 13 (climat), 15 (vie terrestre) et 17 (partenariats pour la réalisation des objectifs). En revanche, la France s’éloigne des objectifs 2 (agriculture et alimentation) et 7 (énergie propre) et de façon très significative de l’objectif 16 (paix, justice et institutions efficaces).
Nous n’avons plus le choix, la France et le monde doivent répondre à l’enjeu d’une grande transformation des modèles de société par la sobriété carbone, par l’économie des ressources naturelles, par le développement de l’économie circulaire, par les énergies renouvelables qui certes progressent mais n’ont pas encore permis d’atteindre l’objectif fixé par l’UE de 23 % en 2020.
Pour agir en faveur de la planète, des populations et de la biodiversité si essentielle à la vie – comme l’écrit Serge Morand « La biodiversité nous protège, c’est le support de notre existence », il est urgent de répondre également à l’enjeu d’une transition écologique, solidaire et juste, en luttant contre toutes les formes d’inégalités, celles des personnes et celles des territoires afin de garantir à chacun les mêmes droits, opportunités et libertés.