Agenda 2030 des ODD : un bilan à mi-parcours en demi-teinte.  

« Au lieu de progresser, nous nous éloignons davantage de nos objectifs. » Antonio Guterres.

L’Agenda 2030 a vu le jour en 2015 et peut se résumer en un programme ambitieux d’objectifs de développement durable à l’horizon 2030, doté d’un plan d’action pour l’humanité, la planète et la prospérité. Au lendemain de la Cop 21, chefs d’États, entreprises, ONG et activistes sont arrivés à la conclusion qu’une feuille de route et un schéma au langage commun devaient être mis en place. L’Agenda 2030, qui est arrivé à mi-parcours, concerne aussi bien le niveau des États que les individus.  Mais l’avancement des membres de l’Union Européenne se fait bien souvent par à-coup. Un nouveau rapport de l’OCDE publié le 27 avril dernier est formel : les pays de l’OCDE sont encore loin d’avoir atteint les objectifs fixés. La majorité sont sur le point d’atteindre 25% des 112 objectifs « cibles » prévus par l’ONU et permettant leur évaluation. Pourtant, à mi-chemin, ils devraient être plus près des 50%. L’absence de progression est particulièrement visible en ce qui concerne les inégalités et l’exclusion. Plusieurs freins à cette progression existent, notamment la pandémie de Covid-19 qui a repoussé d’autant les actions des États et des pouvoirs publics. À mi-parcours, il est légitime de s’interroger sur la progression des États sur le chemin des 17 ODD, en précisant les ODD en progression ou en régression, à la lumière également du rapport de l’ONU du 12 avril 2022 sur le financement durable.

Agir sur les inégalités et réduire les pressions environnementales  

Selon l’OCDE, les pays pourraient s’améliorer dans plusieurs domaines clés comme l’inclusion et l’égalité des genres, la diversité, la confiance dans les institutions publiques et la limitation des pressions sur l’environnement naturel. L’absence de progression en matière d’inclusion et de lutte contre les inégalités est claire. Les pays membres sont parvenus à éradiquer l’extrême pauvreté. Mais la pauvreté n’a pas totalement disparu. L’ODD 1 continue d’être une cible à atteindre. Mais là où le bât blesse, c’est concernant les ODD 5, 13 et 10.

Par ailleurs, le rapport de l’OCDE ne fait que confirmer ce sur quoi les scientifiques alertent continuellement. Les pressions environnementales sont en augmentation constante. Certes, les pays étudiés ont progressé à bien des égards. L’intensité énergétique, l’utilisation de l’eau et la gestion des déchets municipaux sont trois domaines dans lesquels la prise en compte de l’environnement est excellente. D’ailleurs, certaines de ces évolutions positives sont les résultats de l’action publique et des progrès techniques. Cependant, c’est encore l’arbre qui cache la forêt : la délocalisation à l’étranger d’activités de production polluantes, coûteuses et très consommatrices de ressources explique également une partie de ces avancées.  L’OCDE souligne qu’il faut se tourner vers les ressources physiques pour soutenir la croissance. De plus, nombreux matériaux utiles sont éliminés sans passer par la case recyclage, produisant des déchets supplémentaires dont on ne sait pas quoi faire. Cela génère de nouvelles tensions environnementales qu’il faut combattre afin d’atteindre les objectifs de 2030.

Le bilan climatique de mi-parcours est donc en demi-teinte. Bien que les pays de l’OCDE aient les moyens et soient majoritairement favorables à une réduction de leur production de gaz à effet de serre, ils sont nombreux à continuer de consommer des combustibles fossiles (transports, industries, chauffage). Quant à la biodiversité et la protection des écosystèmes, la disparition de nombreuses espèces marines et terrestres est à déplorer et elles sont de plus en plus nombreuses à être menacée d’extinction. Cela même alors que des ONG et collectifs alertent les gouvernements sur les conséquences dramatiques de la déforestation sur la biodiversité. Une fois de plus, les pouvoirs publics sont en cause : leurs actions doivent être plus fermes et résolues. 

Combler le fossé financier.

Un autre type de constat à mi-parcours des ODD est fait par l’ONU. Selon le rapport annuel de l’ONU sur le financement du développement durable, la pandémie de Covid-19 a non seulement appauvri les pays en voie de développement au-delà du soutenable mais elle a également mis un coup d’arrêt au financement d’initiatives durables.

Ce rapport, intitulé « Bridging the Finance Divide » (combler le fossé financier), publié le 12 avril, informe que plus de 77 millions de personnes supplémentaires ont été plongées dans l’extrême pauvreté en 2021. Devant rembourser à des taux parfois extrêmes les intérêts de leurs dettes, les pays en voie de développement n’ont plus aucune marge de manœuvre pour se consacrer aux ODD. Leurs budgets destinés à l’éducation (ODD 4 et 10) ou aux infrastructures (ODD 6, 8, 9, 11, 12) ont disparus, remplacés massivement vers les investissements médicaux ou alimentaires. L’ONU alerte sur les conséquences mondiales de la guerre en Ukraine. Celle-ci exacerbe les défis auxquels font face ces pays. La hausse des prix de l’énergie et des matières premières, la perturbation des chaînes d’approvisionnement et l’inflation sont autant d’éléments rendant l’atteinte des cibles des ODD très difficile.

Cependant, le rythme de la reprise économique postpandémique dans les pays développés montre qu’il est possible d’investir davantage dans des infrastructures propres et résilientes, dans la protection sociale ou dans les services publics. Une fois de plus, les pays en position de force doivent mener par l’exemple et accompagner les pays en développement de telle sorte qu’ils puissent investir dans des énergies propres, dans la réduction des inégalités inhérentes à leurs territoires et surtout en s’assurant que tous empruntent le chemin d’une transition énergétique durable.

Financer le développement durable.

Le rapport de l’ONU souligne l’augmentation du financement de la recherche et du développement, des énergies vertes et des technologies numériques. C’est notamment le projet du plan de relance « Next Generation » financé par l’Union Européenne et son pendant américain « Infrastructure Investment and Jobs Act »

Autre élément porteur d’espoir concernant la croissance économique et les ODD : les fonds d’investissement durables ont augmenté de 62 % par rapport à 2020. D’ailleurs, l’APD (aide publique au développement), a atteint son niveau le plus élevé : 161,2 milliards de dollars. Ces données sont une fois de plus à nuancer, puisque treize pays ont réduit leur niveau d’APD, et la balance n’est toujours pas équilibrée.

Amina Mohammed, vice-secrétaire générale des Nations Unies conclut : « Alors que nous arrivons à mi-chemin du financement des ODD, les conclusions sont alarmantes car il n’y a aucune excuse à l’inaction. Nous devons investir dans l’accès à des emplois décents et verts, la protection sociale, les soins de santé et l’éducation, sans laisser personne de côté. »

L’eau potable et l’énergie propre, des ODD en progression.

Néanmoins, le rapport de l’OCDE met en valeur des progrès qui permettront d’atteindre plus rapidement certaines cibles. Il est évident que les pays membres sont des leaders lorsqu’il s’agit de fournir à tous un accès à de l’eau potable et assaini ou à l’énergie. Qu’elle soit verte ou non est un autre sujet. Pandémie ou pas, la mortalité infantile est réduite à 3,4 pour mille et la vaste majorité des ménages a accès à des services d’éducation de la petite enfance et à des établissements scolaires modernes. De plus, les pays de l’OCDE garantissent une identité juridique à tous les citoyens. En bonus, et même en temps de pandémie, le PIB par habitant des pays de l’OCDE a augmenté. C’est un indicateur important de la capacité de croissance d’un État et de sa capacité à maintenir hors de la pauvreté ses habitants. En soi, ces éléments n’ont pas nécessairement été établis en même temps que les ODD. Cependant, ils sont des moteurs essentiels pour qu’un pays atteignent les objectifs de développement durable qu’il s’est fixé. Il est même à noter que la pandémie a suscité quelques évolutions positives. En effet, pour un temps donné, l’activité économique a tourné au ralenti. Et l’environnement l’en aura remercié.  Cette crise a conduit les gouvernements à reconsidérer certaines idées reçues au sujet du rôle des politiques macroéconomiques et à prendre en conséquence de nombreuses mesures budgétaires. Ça ne s’était pas produit depuis plus d’un demi-siècle. Au programme de ces plans de relance : résilience et stratégies face aux chocs à venir. Et si on prête attention aux scientifiques, ils viendront.

Mettre un coup d’accélérateur et sortir du déni. 

Les rapports de l’ONU et de l’OCDE indiquent trois axes d’amélioration sans lesquels aucun effort ne sera suffisant. Les États doivent adresser en priorité les risques d’endettement en allégeant la dette de certains pays tout en leur permettant d’accéder à des financements à long terme. De plus, absolument tous les flux financiers doivent être alignés sur le développement durable (système fiscal international, gouvernance fiscale équitable, politique commerciale, investissements). La transparence est le mot d’ordre pour qu’un écosystème d’information renforce la capacité des pays à gérer les risques et à bien utiliser leurs ressources. Ces préconisations sont claires : les pays membres doivent aller vers plus d’inclusion et vers des mesures politiques fortes vis-à-vis de la protection environnementale. Tous ne semblent pas avoir pris la mesure de ce que veut dire « la dernière décennie de l’action » et l’urgence qu’elle représente. Il est important de ne laisser personne dans l’incertitude et de prendre en compte les attentes citoyennes. Il reste 7 ans, c’est maintenant que tout se joue et plus que jamais, les États doivent prendre conscience des risques irréversibles, d’une planète qui coule ou s’effondre, « our sinking planet » pour reprendre les termes de la couverture du magazine Time en juin 2019.

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